" Les jeunes et les petits messieurs "
Encouragée tout à la fois par la démagogie politique, par la curiosité journalistique et par le ciblage publicitaire, la jeunesse tend de plus en plus à se fasciner pour sa propre image. La morale du temps flatte ce narcissisme, ne fût-ce qu'en donnant le nom de culture au style de vie du monde adolescent.
Avec ce mot, en effet, tout d'emblée s'égalise: Mozart et Michael Jackson, Proust et la bande dessinée, le vidéo-clip et la tragédie grecque, Emmanuel Kant et Indiana Jones. A chaque groupe ses valeurs; à chaque individu son opinion. Ce dont la culture est en train de périr, c'est de n'exister qu'au sens que lui donnent les sciences humaines: plus de valeurs, mais des phénomènes culturels, tous dignes du même intérêt (ou d'une égale incuriosité) ; plus d'universel, mais des univers homogènes et séparés, des styles -nationaux, ethniques ou générationnels -entre lesquels il serait malséant et rétrograde de faire le tri. Ce qui menace la culture, en France et dans les autres pays occidentaux, c'est l'indifférenciation : le remplacement de la Beauté et de la Vérité comme valeurs suprêmes par le principe en apparence tolérant mais en réalité mortel du " tout se vaut ". Evolution fatale ? La seule chance de l'empêcher consisterait à s'apercevoir qu'elle ne coïncide pas avec notre libération.
L 'honneur d'une vie
Je parle à des jeunes gens qui auront plus tard à lutter pour la cause de Dieu et de la société chrétienne, dans les rangs du sacerdoce, de la magistrature, de l'administration, de l'armée, ou à tout autre poste qu'il aura plu à la Providence de leur assigner. La vertu de force leur sera nécessaire en toute circonstance. Pourquoi ne pas vous le dire, chers enfants, la période de I 'histoire pendant laquelle s'écoulera votre vie, ne s'annonce pas comme une ère de tranquillité, où l'accord des intelligences et des volontés éloigne le combat. Mais quelles que soient les alternatives de revers ou de succès que l'avenir vous réserve, la recommandation que je voudrais vous mettre au coeur, c'est de ne jamais vous décourager. Car Dieu, de qui nous sommes et pour qui nous vivons, ne nous commande pas de vaincre, mais de combattre. L 'honneur d'une vie, comme son vrai mérite, c'est de pouvoir répéter jusqu'au bout cette parole du divin Maître: Quod debuimus facere fecimus, " nous avons fait ce que nous devions faire ". Le reste, il faut l'abandonner à Dieu, qui donne la victoire et qui permet la défaite, et qui fait contribuer l'une comme l'autre à l'accomplissement de ses éternels et impénétrables desseins.
X Mgr Freppel, Oeuvres pastorales, Discours prononcé le 29 juillet 1879.