La science contre la Foi ?

 

 

Certains conçoivent la science comme une lutte contre la Foi, comme si ces deux exercices de l’esprit étaient antinomiques : la lumière contre l'obscurantisme.

 

En effet on pourrait se demander comment concilier science et Foi ?
De tous temps, leurs rapports ont été l’occasion de violents conflits. De Galilée à Darwin, du positivisme offensif du siècle dernier aux débats sur la régulation des naissances, ou sur des points précis comme le Saint-Suaire, la science et l’Eglise peinent à fixer les frontières qui les séparent..
Il existe deux types d'explications du monde : celle fournie par la religion, et celle proposée par la Science.
La religion affirme une vérité globale et complète, qui dépasse parfois la pensée humaine, tandis que la science propose un scénario partiel, provisoire.
Il ne faut donc pas s’étonner si, entre ces deux manières d'aborder le monde, de l'appréhender, de s'y insérer, il y a compétition, voire conflit..
Pendant des siècles, la religion a eu le dessus, offrant aux hommes la Vérité indispensable.
Nous vivons à une époque où la science n'a jamais été puissante, conquérante, savante, élevée au point de devenir une véritable croyance, une sorte de dogme irréfutable puisque justement prouvé scientifiquement.
Officiellement par construction, dans un soucis de méthode même, la science a exclu Dieu de son " champ ", c'est-à-dire qu'elle se refuse à le faire entrer dans son explication du monde.
Mais en même temps, la science par elle-même a-t-elle le pouvoir de nier l'existence de Dieu ?
Ce monde moderne du savoir, et qu'on voudrait de la raison, peut-il faire abstraction de Dieu ?
Finalement cette lutte entre la science et la Foi est-elle inévitable...

 

Le pape Pie XII précise le statut de la science vis à vis de la Foi dans Humani Generis. Il énonce, par exemple, que la science actuelle ne permet pas de statuer sur la véracité de la doctrine de l'évolutionnisme, et que l'Eglise autorise les "recherches et les discussions".

S'agit-il d'une démission ? Certes non.

En effet, le Saint-Père pose comme préalables à cette démarche, "[qu'en ce qui concerne] le polygénisme, les fils de l'Eglise n'ont plus du tout pareille liberté", ce qui signifie, qu'il faut croire la race humaine entièrement issue d'Adam et Eve ; de la même manière, il faut croire à "l'immédiate création des âmes par Dieu", i.e. que Dieu crée l'âme directement. Comme troisième impératif, il stipule que l'Eglise se réserve le rôle supérieur de jugement, afin d'interpréter les Ecritures et de protéger la Foi.

Par cette dernière revendication, Pie XII n'oppose pas la science à la Foi, mais subordonne la science à la Foi. Observons comment procèdent ces deux domaines et nous comprendrons mieux l'attitude du Souverain Pontife.

 

 

 

 

La modélisation scientifique

Pour étudier un phénomène, le scientifique commence par décomposer ce qu'il voit et mesure en éléments simples, c'est l'analyse. Après cette première étape, il reprend certains éléments et en néglige d'autres afin de simuler le comportement du phénomène observé, c'est la synthèse. Le scientifique vient de modéliser ce qu'il observe, le plus souvent sous la forme d'une équation.

Prenons quelques exemples.

Quand un mécanicien veut étudier le comportement d'une voiture, il étudie en réalité celui d'un bloc de matière doté de certaines caractéristiques (masse, vitesse, homogénéité...), et dit ensuite que la voiture se comportera comme ce bloc dans certaines conditions qu'il définit.

Un électricien qui conçoit un circuit, représente l'électricité par un flux d'électrons influencé par un voltage, un ampérage, etc. Si le courant est alternatif, le flux est censé s'inverser à la fréquence du courant (50 Hertz soit 50 fois par secondes pour le réseau EDF), mais si le courant est continu, le flux doit rester dans le même sens.

Personne ne sait expliquer pourquoi, mais la lumière se comporte comme une onde (comprenez : sinusoïde). D'où l'erreur fréquente de dire que la lumière est une onde. En fait les scientifiques considèrent que les photons, (quelqu'un en a-t-il déjà vu ?), ondulent régulièrement en se déplaçant le long d'un axe rectiligne. Evidemment, toutes ces particules ne sont pas censées onduler à la même vitesse : plus la période d'ondulation est courte, plus la lumière doit être bleue ; inversement, plus la période est longue et plus la lumière doit être rouge.

Prenons les atomes pour dernier exemple. A ce mot, tout le monde imagine les petites sphères que nous ont montrées nos professeurs de chimie.

Si les atomes sont vraiment ainsi, pourquoi les microscopes ne nous montrent-ils que des cônes chaque fois qu'on pense en apercevoir ? En outre, un chimiste vous expliquera que les électrons tournent autour du noyau en suivant des trajectoires spécifiques selon qu'ils appartiennent à des orbitales de type s (de forme sphérique), p (en forme de 8), d ou f. Quelqu'un a-t-il déjà vu une orbitale ? Assurément non. Mais cela n'empêche pas d'utiliser ce modèle.

Il semble étonnant que les scientifiques, (paraît-il champions de l'observable), s'écartent aussi imprudemment des certitudes vérifiables. Mais il faut comprendre qu'à l'exception des rares modèles qui sont conçus dans ce but, l'utilité de ces constructions de l'esprit n'est pas de représenter la réalité ; elles ne sont même pas tenues de lui ressembler ; leur seule utilité est de permettre le calcul : grâce à un modèle, je vais calculer l'énergie nécessaire au déplacement d'une voiture, mais je ne peux absolument pas dire que cette voiture ressemble à l'équation utilisée.

Nous constatons rapidement que tout notre savoir s'appuie uniquement sur des modèles, ce qui signifie que sans connaître la réalité, nous savons l'utiliser. Nous n'avons pas de savoir mais du savoir-faire. Au lieu de rechercher la cause des phénomènes qui nous entourent, nous voulons les utiliser, les modifier, les maîtriser. (Ainsi, nul n'a jamais vu de l'électricité, mais nous savons en produire et l'utiliser. )

 

La connaissance par la Foi

En revanche, la Foi fondée sur la Révélation nous apporte un réel mode de connaissance de Dieu, et donc de l'Etre. Or, si nous contemplons le monde, nous nous apercevons que nous ne pouvons que le contempler sans le comprendre. L'être est un mystère insondable.

Aussi, quand nous observons ce qui est, nous sommes sur la bonne voie car notre intelligence est faite pour cela. Elle est faite pour dire ce qui est ou ce qui n'est pas, elle est faite pour connaître les choses. Mais si nous ne l'exerçons que sur des modèles, nous nourrissons notre esprit de ses propres constructions. Dans pareil cas, il dépérit rapidement et risque de céder son rôle à l'imagination.

La hiérarchie Foi/science

Le pape Pie XII fait remarquer que les termes utilisés dans la Genèse pour décrire l'apparition de l'homme sur terre, imposent une nécessaire prudence quant aux hypothèses scientifiques à ce sujet.

En subordonnant la Science à la Foi, le pape empêche non seulement la déformation du dogme, mais empêche également de mélanger la certitude à la simple hypothèse obligeant la vérification des suppositions émises.

Il force ainsi l'esprit à contempler pour mesurer son travail à l'aune de la réalité. Par sa prudence pour préserver la Foi, en subordonnant la recherche à la Révélation, le pape permet d'éviter des erreurs jusque dans le domaine profane.

En effet un esprit habitué à tout voir par des modèles, sombre dans un monde virtuel et subjectif. Les faits eux-mêmes sont révoqués en doute au profit d'une construction de l'esprit supposée moins naïve.

L'intelligence coupée du réel ne peut plus concevoir Dieu objectivement comme l'Etre absolu, vivant de Lui-même : la pensée moderne en fait simplement une création de l'homme. C'est la coupure du réel qui entraîne la crise de la Foi en l'Etre éternel et transcendant, l'Etre absolu qui se suffit à Lui-même.

 

P. T.

 

Maintenant posées les bases de la relation entre la science et la Foi, nous étudierons prochainement le cas particulier de l’évolutionnisme, principe selon lequel l'espèce humaine serait issue de celle des singes.

Pour cela l’analyse portera sur les fossiles et la paléontologie, les travaux de Guy Berthaut ou encore, dans un second temps, sur le carbone 14.

in La Cigogne n° 11.


  1. Quand le modèle néglige trop d'éléments, il arrive qu'il produise des résultats sous-dimensionnés. Pour absorber ces défaillances, on multiplie alors le résultat par un coefficient d'ignorance, parfois nommé (avec un brin de suffisance) coefficient de sécurité. Ainsi amplifié artificiellement, le résultat permet de construire un produit cohérent. Mais personne ne saura dire pourquoi le résultat est en accord avec la réalité.   (Retour)