La Chaise-Dieu:
la Casa Dei, la Maison de Dieu

Les 6 et 7 avril prochains, les belles forêts d’Auvergne nous verront. arriver. Bien chaussés, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige, le chapelet dans une main, une bannière dans l’autre, nous serons là pour affirmer bien haut notre Foi dans le Ressuscité. 70 l’an passé au Mont-sainte-Odile, nous devrons être plus nombreux encore cette année pour mettre nos pas dans ceux des nombreux pèlerins qui nous ont précédés à travers les siècles. De la Chaise-Dieu au Puy-en-Velay, d’un haut lieu de Chrétienté à un autre.

Pèlerins de Quasimodo, lisez ces lignes narrant la longue histoire de la Chaise-Dieu…

 

A 1100 mètres d’altitude, la Chaise-Dieu témoigne encore fièrement de son grand passé.

En 1043, Robert d’Aurillac, dit Robert de Turlande, ancien chanoine de l’église Saint-Julien de Brioude, fils du comte d’Auvergne Géraud et de Reingarde, comtesse du Rouergue, épris d’absolu après un pèlerinage à Rome, l’approche à Cluny de Saint Odilon, la rencontre du pape Benoît IX et une visite au Mont-Cassin, se retire avec deux soldats nommés Etienne et Dalmace sur ce plateau désolé. Bientôt rejoint par des disciples de plus en plus nombreux, il fonde un monastère qu’il dote de la règle bénédictine et pour lequel il obtient, en 1052, la protection pontificale. Le succès va croissant : 300 moines dans 49 prieurés sont dénombrés à la mort de saint Robert le 17 avril 1068. La multiplication des prieurés jusqu’en Italie et en Espagne (en tout 250 établissements), l’affluence des donations et le rayonnement spirituel font de la Chaise-Dieu (Casa Dei, la maison de Dieu) le troisième ordre monastique français du milieu du XIIèmesiècle.

La situation se dégrade brutalement au début du XIVème siècle. L’autorité de l’abbé s’amoindrit et plusieurs prieurés rompent avec l’abbaye mère. L’élection à Avignon du Pape Clément VI, ancien novice et moine de l’abbaye, enraye cette évolution. Ce pape fait reconstruire, de 1344 à 1352, l’église actuelle par l’architecte occitan Hugues Morel. Sa sépulture de marbre blanc sculpté par Pierre Roye, Jean David et Jean de Sanholis éclaire toujours le chœur des moines. Son neveu Grégoire XI mène l’œuvre à son terme, à savoir les trois dernières travées de la nef et les bâtiments abbatiaux. Au début du XVIème siècle, Jacques de Saint-Nectaire dote l’abbatiale d’une éblouissante suite de tapisseries d’Arras et de Bruxelles en lin, laine et soie aux sujets de l’Ancien Testament.

Solidement bâtie en granit, l’abbaye produit une impression de grandeur et de sévérité. La façade ouest, qui évoque l’aspect d’une construction militaire, se dresse sur une place en pente, ornée d’une fontaine du XVIIème siècle. Deux tours peu élevées la flanquent.

L’intérieur fait grande impression avec sa vaste nef centrale couverte de voûtes surbaissées et flanquées de collatéraux d’égale hauteur. Cinq chapelles rayonnantes ouvrent directement dans le chœur. Un jubé du XVème siècle rompt la perspective et semble réduire la nef en hauteur. Un beau Christ (1603) le domine : au pied de la croix, deux statues en bois représentent la Vierge et saint Jean (XVème). En face, le superbe buffet d’orgues est du XVIIème. Le chœur est entouré de 144 stalles en chêne du XVème siècle. Dans le bas-côté se trouve la fameuse peinture murale de la Danse macabre, haute de 2 m et longue de 26 m, datant du XVème siècle. Du cloître édifié à la fin du XIVème siècle ne subsiste que deux galeries dont l’une est surmontée d’un étage qui servait de bibliothèque.

Le 2 août 1562, un lieutenant du baron des Adrets, à la tête de ses troupes huguenotes, saccage le monastère et profane le tombeau de Clément VI. L’abbaye est dans un triste état quand les troupes royales délivrent les moines réfugiés dans la tour Clémentine. Le portail, dont le trumeau porte une statue de saint Robert, est mutilé ainsi que les 44 statues de membres de la famille du pape entourant le tombeau du Pontife.

La vraie décadence vient du Concordat de 1516 qui abandonne la nomination des abbés au roi : c’est le principe de la commende. Les considérations religieuses n’interviennent plus guère ; seuls les revenus du monastère sont en cause. C’est ainsi que la Chaise-Dieu est attribuée à Henri d’Angoulème, bâtard de Henri II, un des assassins de Coligny. A la mort en duel de cet abbé, Charles d’Orléans, bâtard de Charles IX, le remplace : il a 13 ans. Richelieu, qui réduit les effectifs à 50 moines, et Mazarin joignent l’abbaye à leurs nombreux bénéfices. Le cardinal Serroni fait exception en la dotant de grandes orgues. Au XVIIIème siècle, on envoie à la Chaise-Dieu les personnages en exil tels que l’évêque janséniste Soanen ou le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg qui y passa l’été 1786 à la suite de l’affaire du Collier. La Révolution porte le dernier coup à l’abbaye en chassant les religieux.

Abandonnée pendant tout le XIXème siècle, l’abbaye attire enfin l’attention au début du XXème siècle, mais la restauration complète n’intervient qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1965, le pianiste Georges Cziffra s’éprend de ces lieux et suscite un festival de musique sacré destiné à cette restauration permettant ainsi à la belle abbaye de connaître une nouvelle jeunesse.